Intérieur de stars : l’appartement de Lauren Bacall, à New York

La vente Bacall - 1
La star de cinéma et de théâtre a vécu plus de cinquante ans dans un appartement de neuf pièces, quatre mètres sous plafond, dans le Dakota Building à New-York, avec une vue imprenable sur Central Park. Son appartement a été vidé des objets qu’elle a collectionnés pendant toute sa vie, qui vont être vendus aux enchères, à la fin du mois de mars.

Alors que l’agence immobilière, chargée depuis l’année dernière de vendre cet appartement à la fois luxueux, historique et rarissime, montre sur son site quelques photos des pièces avec peu d’ameublement, pour bien permettre de juger des volumes, le catalogue de Bonhams joint aux photos des objets individuels des photos de l’appartement « plein », tel qu’il était quand il était habité par Lauren Bacall.

L’appartement de Lauren Bacall dans le Dakota Building

Il est aujourd’hui mis à prix pour 26 millions de dollars, une grosse surcote par rapport à l’estimation initiale de 9 millions de dollars. Mais que ne ferait-on pas pour vivre chez Lauren Bacall ? Par ailleurs, étant donné la surface et la situation face à Central Park, on peut être sûr que l’appartement finira pour être vendu, il deviendra la propriété d’un richissime « quelque chose », qui refermera les portes sur son intimité.

Le Dakota Building et la ligne d'immeubles vus de l'intérieur de Central Park

Vu de Central Park, le Dakota Building laisse apercevoir uniquement ses toits pentus.
Photo sous licence CC BY NC de AB / CC

La conjonction de la vente des collections est l’occasion rare de rentrer dans la semi-intimité d’une star, avec des pièces photographiées telles qu’elles étaient réellement, pas comme on le fait aujourd’hui pour les magazines de décoration. C’est aussi l’occasion de voir la différence entre ce que montre l’agence immobilière et ce qui était la réalité.

Enfin, c’est l’opportunité de voir un appartement new-yorkais de luxe, mais ancien. Pas un de ces appartements refaits à la mode loft, mais un appartement avec des pièces, des couloirs, des boiseries sombres sculptées de chêne, de cerisier et d’acajou… qui risquent de disparaître !

Certains des appartements ont été totalement restaurés avec les boiseries d’origine. La co-propriété conserve toutes les boiseries et les marbres que les propriétaires d’appartement veulent remplacer, car il est interdit de les jeter ! Et « bien entendu », le bâtiment est classé monument historique.

D’ailleurs, sur cet aspect, je trouve que les photos de l’appartement de Lauren Bacall montrent un joli moyen terme : beaucoup de murs peints de couleurs claires, mais des boiseries conservées, pour de la chaleur. Ni musée ni horreur (comme certains appartements qui ressemblent plus à une collection de mauvais goût qu’autre chose).

L’organisation générale

Le Dakota Building est remarquablement équipé pour l’époque, avec ascenseur et générateur électrique ! Alors que l’extérieur est fidèle au style « néo-gothique » en vogue à New-York à la fin du XIX°, les appartements sont organisés « à la française », ce qui est particulièrement visible sur le plan, où les pièces sont séparées en trois groupes :

Plan détaillé de l'appartement de Lauren Bcall

Le plan de l’appartement de Lauren Bacall, face à Central Park

  1. en haut à droite, l’espace privé, les trois chambres, deux d’entre elles ont leur propre salle de bains, la troisième a un petit lavabo, et une salle de bains de l’autre côté du couloir ;
  2. en haut à gauche, les pièces de réception, avec le grand salon, la bibliothèque qui devait, à l’époque, servir de fumoir, le foyer, qui est une véritable antichambre, où l’on pouvait faire patienter les visiteurs, et enfin, sur la cour intérieure, la salle à manger ;
  3. enfin, en bas, les pièces de service, avec une cuisine, un office, un garde-manger et une buanderie, ainsi que l’entrée de service séparée.

Chaque zone est bien délimitée, seuls les couloirs permettent le passage d’une zone à l’autre. En revanche, dans la zone de réception, on peut circuler d’une pièce à l’autre sans passer par les couloirs, théoriquement réservés au personnel qui fait le service.

L’entrée principale et le foyer

On voit bien sur cette photo la porte d’entrée et les premières sculptures sur les bois. Cela fait partie des « plus » de l’appartement qui justifient son prix élevé, selon les vendeurs : non seulement Lauren Bacall en prenait grand soin, mais elle a conservé jusqu’aux poignées de porte originales. Le sas avait une double fonction : une isolation phonique de l’extérieur, d’abord, et surtout la possibilité de décrotter ses chaussures sur le marbre, avant de passer sur le parquet.

 

La porte d'entrée et le couloir, vus du foyer

La porte d’entrée et le couloir, vus du foyer

Même si les lustres sont allumés, la photo met aussi en évidence la belle luminosité de l’appartement !

Le foyer est équipé dune petite cheminée, et de « nombreux objets » (une caractéristique de l’appartement) qui mêlent harmonieusement art africain, art moderne et des pièces plus classiques.

Le foyer, avec cheminée, porte manteau et décoration

Le foyer avec cheminée et porte-manteau

Trois objets m’ont tapé dans l’oeil dans cette pièce (cliquez sur les vignettes pour voir les images en grand) :

Un cabinet d’angle hollandais du XIX° siècle

Cabinet d'angle hollandais

Cabinet d’angle

Lauren Bacall aime beaucoup les cabinets d’angle, il y en a dans la plupart des pièces.

Celui ci est en bois sculpté, avec des incrustations en laiton.

Il est estimé entre 1.500 et 2.500 dollars.

J’aime particulièrement les motifs simples, mais détaillés de ses sculptures, les variations de couleurs et la patine du bois, ses formes imparfaites et son aspect solide sans être imposant (mais les pièces font 4 mètres sous plafond, dans un appartement normal, il doit être plus massif).

Un banc en noyer

Banc en noyer

Banc en noyer

Le banc est sans doute hollandais lui aussi, plus ancien que le cabinet (première moitié du XIX° siècle).

Il est estimé entre 700 et 1.000 dollars.

J’aime ses lignes très simples, celles d’un meuble paysan. Que ces lignes simples soient adoucies par la courbure des accoudoirs, qui dénote une recherche esthétique, au-delà du simple utilitaire, un travail soigné de menuiserie, et les découpes en formes d’accolades en bas des pieds.

Surtout, j’aime qu’il soit aussi bien assorti au cabinet d’angle qu’au masque africain posé sur celui-ci ou qu’à la lampe mexicaine sur la petite commode…

Une paire de sièges de jardin en majolique

Deux tabourets en faïence décorés de végétaux

Deux sièges en majolique

Les majoliques sont, pour nous les français, des faïences anciennes de l’époque de la Renaissance. En anglais, le terme est plus générique, désigne des faïences aux couleurs vives, avec un vernis à base d’étain, similaires à celles de la Renaissance Italienne.

Lauren Bacall aimait beaucoup les faïences. En plus des deux sièges, on voit sur le manteau de la cheminée une collection de chopes à bières, et on trouvera ce type d’objets dans toutes les pièces.

Cette paire de tabourets de jardin est estimée entre 2.500 et 3.500 dollars. Elle a été fabriquée en Angleterre, à la fin du XIX° siècle. J’aime ses couleurs vives, le réalisme de ses motifs végétaux, et la touche de couleur vive qu’elles donnent au milieu de tout ce bois.

Cette photo, elle, montre le départ du couloir, à partir du foyer. On y voit, entre autres, trois bronzes de Robert Graham. Sur la gauche, on entraperçoit le coin d’une console italienne en marbre, une des pièces vedettes de la vente.

Le couloir à partir du foyer

Le couloir à partir du foyer

Ces trois bronzes ont été exécutés en 1993 et 1994. Ils présentent des patines différentes, trois femmes différentes, et sont estimés entre 20.000 et 35.000 dollars chaque.

Trois bronzes représentant des femmes nues, debout

Gabrielle, Elisa et Christine, trois bronzes de Robert Graham

Robert Graham est le mari d’Anjelica Houston, une grande amie de Lauren Bacall.

La bibliothèque

C’est la seule pièce à bénéficier d’un balcon. C’est de sa fenêtre que Lauren Bacall a été photographiée par Patrick Jarnoux pour un reportage pour Paris-Match en 1978. Lauren Bacall y est d’ailleurs photographiée à plusieurs reprises, notamment sur une grande bergère.

Photo en noir et blanc montrant Lauren Bacall regardant Central Park

Lauren Bacall regardant Central Park de la fenêtre de la bibliothèque.

La cheminée d'époque XIX° de la bibliothèque

La cheminée de la bibliothèque avec la porte sur le salon

Juste à droite de la porte donnant sur le grand salon (avec, encore, de très belles boiseries), la cheminée est, elle aussi, « dans son jus », avec un manteau en bois sculpté et deux lanternes elles aussi d’origine, c’est devant cette cheminée que Lauren Bacall avait installé sa bergère.

Un des murs de la bibliothèque est particulièrement chargé de tableaux de chiens. Lauren Bacall aimait énormément sa chienne papillon, Sophie, elle a eu à un moment plusieurs chiens. Sur le mur on voit des cockers, des épagneuls, des chiens généralement assis ou allongés sur un coussin, en peinture, en point de croix… et, dans le « coin toutou » – où se glissent quand même quelques chats et quelques lions – , une de mes pièces préférées de la vente, un superbe coffre syrien en bois incrusté de nacre.

(On retrouve d’ailleurs plusieurs meubles syriens, ou moyen-orientaux, toujours parfaitement mélangés avec le reste !)

 

Coffre Syrien en bois incrusté de nacre

Coffre Syrien en bois incrusté de nacre

Ce coffre est estimé entre 2.500 et 3.500 dollars, il est « moderne » (il date du début du XX° siècle). Il est particulièrement représentatif des choix de Lauren Bacall dans son appartement : des meubles de qualité, pas du grand design, des oeuvres d’artistes qu’elle connait, ou avec lesquels elle devient amie au fur à mesure de ses commandes (comme ce fut le cas pour Darlene de Sedle et Amy Moss qui lui firent des bijoux sur mesure).

Le coffre syrien de la bibliothèque

Le coffre syrien de la bibliothèque, en situation

Et surtout, regardez comme il s’intègre parfaitement bien dans un décor a priori hétéroclite où pourtant rien ne choque.

Sur cette photo, on le voit bien, il est la vedette. Il voisine naturellement avec une chaise de la Forêt Noire, des consoles XVIII°, un bénitier…

Sur le panoramique ci-dessous, il est masqué par une des deux bergères fleuries, on passe du monde des animaux à des tableaux « violemment modernes » (deux lithographies de Calder dont seule l’une est mise en vente) au-dessus de la cheminée en bois, XIX° américain cossu, le kilim de Bessarabie… tous ces meubles sont de style totalement différents, pourtant ça fonctionne. Le bois, que Lauren Bacall aimait tant sert de trait d’union à tout cela.

C’est une bibliothèque, la pièce est donc remplie de livres et de papiers. Dans cette section de la vente partiront beaucoup souvenirs personnels, des autographes, des livres d’art (les livres « coffe table ») qui témoignent d’un goût éclectique, en particulier pour la photographie avec de très beaux tirages (Avedon, Maplethorpe…).

J’aime beaucoup le meuble bibliothèque qu’on voit dans le coin droit, mais plus encore le petit fauteuil qui se trouve devant. Dans le fond, on voit les portes du foyer fermées (celles qui donnent directement sur la porte d’entrée), peintes en blanc, alors que l’autre côté reste en bois vernis d’origine.

Vue de la bibliohtèque avec la porte vers le couloir et le foyer

Vue de la bibliohtèque avec la porte vers le couloir et le foyer

Un fauteuil de bureau style Louis XV

Fauteuil de bureau Louis XV

Fauteuil de bureau style Louis XV

Cette forme de fauteuil est merveilleusement confortable.

Le dossier arrondi soutient parfaitement le dos pendant de longues heures de travail. La galette de cuir capitonnée est largement suffisante, on peut éventuellement rajouter dans le bas du dos un de ces petits coussins au point de croix que Lauren Bacall jettait un peu sur tous les meubles.

La forme de l’assise, arrondie, est parfaite, à l’usage, elle oblige à une bonne position… pas besoin de siège ergonomique.

Et puis ce fauteuil est beau ! Léger, avec des jambes arrondies, délicatement sculptées, ses courbures, sa légèreté grâce à son dossier canné…

C’est une copie du XX° siècle, en bois de hêtre vernis. Il est estimé entre 800 et 1.200 dollars.

Une table en marbre avec des incrustations de laiton

Table basse en marbre et laiton avec calligraphies arabe

Table basse en marbre et laiton

Dans le catalogue, la provenance de cette table n’est pas précisée. En marbre blanc, est est incrustée de calligraphies arabes en laiton, qui veulent dire « au nom d’Allah » (l’inscription centrale étant simplement « Allah »).

Encore un meuble moderne, et une preuve de l’attirance de Lauren Bacall pour les meubles orientaux.

La calligraphie elle-même est très classique, très simple. Il s’agit d’ailleurs plus d’une écriture courante que d’un vrai travail de calligraphie, mais, dans sa simplicité, cela donne un très bel objet.

Elle fait 1,20 mètres de diamètre, ce qui donne une bonne idée de la dimension de la pièce.

Estimée entre 1.500 et 2.000 dollars.

Un tabouret de bibliothèque

Escabeau de bibliothèque en noyer

Escabeau de bibliothèque en noyer

Accessoire classique des bibliothèque, l’escabeau ou l’échelle de bibliothèque pliable se retrouve en de nombreux exemplaires chez Lauren Bacall. J’ai craqué pour celui-là, à cause de ses marches recouvertes d’une tapisserie au petit point. C’est plus un meuble pour s’asseoir au pied d’un mur de livres et se plonger dans sa dernière trouvaille qu’un véritable escabeau (ou alors il faut y monter pieds nus…).

Les montants sont en noyer, avec un décor de lion assis. Le dessus des marches reprend des motifs de kilims qui peuvent avoir été découpés dans des tapis originaux, ou brodés par une demoiselle de bonne famille, en suivant soigneusement un livre de motifs édité par DMC.

Daté du début du XX° siècle, d’origine « continentale » (européenne), il est estimé entre 600 et 900 dollars.

Pour finir sur la bibliothèque, je vous présente la vision de l’agence immobilière… la pièce apparait beaucoup plus grande, et surtout on voit le dernier mur, celui tapissé d’étagères avec la fenêtre au balcon qui donne sur Central Park.

Comme il devait faire bon travailler dans cette pièce !

Bibliothèque : la vue sur Central Park

Bibliothèque : la vue sur Central Park

Demain, je vous ferai continuer la visite, nous prendrons la porte sur la droite pour entrer dans le grand salon !

(Crédits Photos : Warburg Realty et Bonhams)

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Julie

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